GwenAlices
GwenAlices

Il y a 8 mois 1

Il y a 8 mois

Il y a 8 mois mon corps entrait en guerre contre un traitement qui allait tout emporter avec lui.

Mon cancer, mon énergie, ma féminité, ma santé mentale…

Il y a 8 mois j’étais une femme de 40 ans, sûre d’elle, pleine de vie, de rêves et de projets, mais qui en un mot, a douté de tout. De son envie de vivre, de ces capacités à supporter des effets secondaires dévastateurs, et de tous les choix qu’elle avait fait jusqu’à maintenant. Il n’aura fallu qu’un seul mot, pour que la femme que j’étais, hésite entre profiter de la vie quelques semaines ou quelques mois et espérer une réincarnation moins chiante et plus paisible que celle-ci, ou accepter d’entamer un traitement qui allait l’affaiblir, la faire souffrir mais aussi, et surtout, la changer à tout jamais.

Oui j’ai hésité ! J’ai même préparé mes enfants à l’éventualité de refuser cette chimiothérapie. De vider le compte en banque pour partir profiter de ce qui nous restait à être ensemble, sur les routes et sur les mers, pour finir sur un souvenir digne d’un film hollywoodien avec une image de carte postale, sur fond de coucher de soleil en bord de mer… Parce que si mourir ne m’effraie pas le moins du monde, ne pas vivre est ma plus grande peur. En dehors des requins évidemment. Alors entre vivre malade et affaiblie, ou mourir vivante en réalisant mes rêves, je n’ai pas hésité longtemps.

Finalement, le médecin m’a fait comprendre que le choix ne m’était pas permis si j’envisageais de décorer le sapin une année de plus. Alors le tour du monde en mode touriste avec mes ados n’était tout simplement plus envisageable. Et puis de toute façon, après vérification, mon compte en banque ne nous aurait pas permis de voyager plus loin que la Creuse, et pas plus de trois jours en studio airbnb. Alors bon ! Vue comme ça…

Et puis au moins l’aventure chimiothérapie était prise en charge à 100% par la sécu, avec option épilation et relooking intégral !

Alors entendons-nous bien ! Je ne dis à personne de vivre une aventure chimio s’il n’a pas les moyens de partir en vacances. Non, la Creuse offre, certainement, un cadre propice à des vacances familiales loin de tout, et couper du reste du monde. Pour une retraite spirituelle, quand on n’a pas les moyens de se payer un ashram en Inde, c’est sûrement génial !

Il y a 8 mois, je ne le savais pas encore, mais j’allais muer pour me débarrasser d’une peau devenue trop petite pour moi, et dans laquelle je m’étais enfermée. J’allais tout simplement me dire : Merci, pour toutes ces années, toutes ces erreurs, toutes ces décisions difficiles mais nécessaires pour avancer et grandir. Merci pour ces prises de risques et ces fous rires. Mais surtout j’allais me dire : Au revoir. Parce que je n’en avais pas encore conscience, mais cette femme de 40 ans que j’étais en ce 18 juillet 2022, je la vivais pour la dernière fois. Elle allait peu à peu disparaitre.

J’étais pourtant certaine qu’après cette période de ma vie, j’allais comme toujours, reprendre là où j’en étais avant. Reprendre les mêmes personnes, les mêmes amies, le même travail, les mêmes envies, les mêmes projets… Bref tout pareil ! Comme une partie d’échec que l’on laisserait sur un coin de table en attendant de reprendre exactement là où nous l’aurions laissé avant de partir en vacance. Seulement c’est impossible. Parce que si les pions n’ont pas bougé, si les règles n’ont pas changé, le joueur lui a évolué. La partie ne sera plus jamais comme avant. Notre regard sur les choses, et aussi sur les gens change. Notre mode de fonctionnement et de pensée s’est transformé en même temps que notre corps et notre esprit, sans même que l’on s’en rende compte.

Pendant tout le temps de la métamorphose, nous nous cachons derrière des masques et des sourires, on met un foulard sur notre tête tout comme sur notre vie. On cache tout, et on surtout on se cache. On n’ose pas se regarder par peur de notre propre image. Nous avons l’impression de ne plus être une personne à part entière, mais juste un corps défendant qui attend que ça s’arrête. On ne se rend pas compte que l’on est entrain d’assister à notre propre évolution. Nous ne nous débarrassons pas uniquement d’un cancer, mais aussi d’une version de nous-même ! Une version épuisée, qui à force de se cacher derrière des masques et des attitudes faussées qui nous ont éloignés de ce qui nous étions réellement, est devenue notre propre frein, notre propre boulet à traîner.

On réalise que notre vie s’est construite sur des attentes qui n’étaient pas les nôtres. La plupart de nos décisions ont été prises en fonction de notre entourage. On a fait attention de froisser le moins de monde possible, on s’est souvent oublié au profit de personnes qui ne font même plus partie de notre vie aujourd’hui, et d’autres qui ne feront plus partie de notre nouvelle vie d’après cancer. Si après cancer il y a. Par exemple, je vais parler moi, évidemment, puisque c’est mon blog, mais parce que je trouve mon exemple parfait. S’il y a une personne qui peu parler de masque et de mensonge à soi-même c’est bien moi. Une grande partie de ma vie, je l’ai passé à tenter de plaire. J’avais toujours recherché à obtenir la reconnaissance paternelle, puis la reconnaissance tous court. Pour y arriver, je me suis oubliée, j’ai accepté beaucoup de chose et j’ai fait quelques sacrifices. Le plus gros étant moi-même. J’ai longtemps organisé ma vie et pris des décisions dans le seul but d’obtenir cette reconnaissance. Plus d’une fois, mon corps et mon esprit me lançaient des alertes pour me faire comprendre que ce n’était pas ce qui était fait pour moi, que j’étais en train de vivre une vie dans l’unique but de permettre à d’autres, de vivre la leur en profitant de ce que je construisais pour eux. Quand je ressentais ses alertes, je les faisais taire en me persuadant que ces choix étaient les miens et que c’est que je voulais. Je me mentais parce qu’en acceptant de m’écouter je savais que cela signifiait abandonner une partie de moi, certes erronée, mais une partie de moi que je connais et pensais maîtriser. En faisant ça j’allais forcément ouvrir la porte à une autre version de moi-même que je ne connaissais pas, que je n’aurais probablement pas su gérer et surtout, je me retrouverais seule avec cette Moi inconnue ! Alors j’ai continué à faire vivre une fausse version de moi, juste parce que j’attendais ce signe de reconnaissance et d’amour qui me paraissait indispensable pour avancer et exister.

N'en déplaise à beaucoup, je sais que la majorité d’en vous aussi !

Et puis, heureusement le cancer est arrivé ! Oui j’ai bien écrit : Heureusement !  Parce qu’à mes yeux tout n’est pas blanc, tout n’est pas noir. Ce qui est bien est à la fois mauvais et inversement ! Si le cancer m’a fait vivre l’expérience de la chimiothérapie, et bientôt de la radiothérapie, c’est grâce à ça qu’aujourd’hui je suis capable de ME vivre et de M’AIMER ! Mais surtout de ne plus être en attente, et encore moins à la recherche d’une reconnaissance que moi seule peut m’apporter.

Aujourd’hui je sais que si je me suis lancé dans un projet bateau, ce n’est pas pour plaire à mon père ni monter que je suis capable, mais bel et bien parce que c’est ce que je veux au plus profond de moi. Si je suis magnétiseuse ce n’est pas parce que mes ancêtres guérissaient leurs voisins, mais parce que c’est ce que je suis au plus profond de moi !  Si j’écris et que je publie, ce n’est pas pour attirer l’attention ni tenter de plaire à qui que se soit, mais parque j’aime ça et que cela fait partie de moi !

Alors je ne connais pas encore la version finale de moi-même. Le processus de guérison n’est pas encore arrivé à son terme, et d’autres épreuves m’attendent. En revanche, je découvre chaque jour un peu plus, ce que c’est que de s’aimer, de s’accepter et se faire confiance. Et la version de moi-même d’aujourd’hui, plait énormément. J’ai hâte de continuer à me découvrir.

Si ça se trouve dans 10 ans je vivrai sur les eaux à bord de mon voilier, j’écrirai des histoires et les gens feront appellent à mes services pour les aider dans leur guérison… Ah oui ! Je ferai de la plongé aussi… Et non pas parce que mon ex faisait de la plongée, mais parce que j’adore les fonds marins et que c’est ce dont j’ai envie… au plus profond de moi !

GwenAlices, un jour du début de sa nouvelle vraie vie ... 

 

 

Commentaires

  • Josué Bensimon
    Très émouvant ! Et en même temps au plus près du réel. J'ai été en contact avec certaines personnes dans votre cas dont une a exprimé ce que vous dites non pas comme vous avec des mots, mais par une séance photo qui représentait tous vos écrits, une sorte de thérapie en somme.
    J'ai ressenti par vos mots votre énorme courage et je vous en félicite. Bravo! Seule la ferme volonté de s'en sortir prendra le dessus!
    Je vous souhaite pleine guérison et une bonne continuation.
    Josué

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